La phytothérapie n’est pas l’apanage de l’être humain. Depuis quelques années, on sait que les grands singes ingèrent des plantes choisies par eux dans certains cas de maladies ou de blessures. Lors d’un de mes passages à Bornéo, mon guide chinois, George Thu, m’a raconté une histoire incroyable. Il semblerait que les oiseaux soient eux aussi capables de se soigner par les plantes ! Je l’avais écouté d’une façon amusée, n’en croyant pas une miette, mais quelques années plus tard, j’ai pu lire cette anecdote décrite dans un livre écrit par un explorateur britannique : « Au cœur de Bornéo » (sa référence figure dans l’article bibliographie dans ce blog). Voici l’histoire racontée par George :
« Dans la forêt lointaine de Bornéo, vit un petit oiseau insignifiant. On l’appelle le booboot, car c’est le cri qu’il fait lorsqu’il passe parfois d’un vol erratique au dessus des sentiers de la jungle. C’est un animal terne, d’un gris marronnasse et qui ressemble un peu à un merle. La femelle, comme tout oiseau qui se respecte pond quelques œufs par an qui donnent en principe naissance à des petits. Si Dieu et les innombrables prédateurs qui écument l’endroit leur prêtent vie.
Parmi ces redoutables prédateurs l’un d’entre eux est particulièrement nocif : le guérisseur chinois. Au cours de ses pérégrinations sylvestres, occupé qu’il est à récolter toutes sortes de choses médicinales, il lui est facile de repérer un nid peuplé d’oisillons booboots sans défense. Alors, il s’approche et sans état d’âme il brise les ailes des jeunes oiseaux.
La mère se lamente et s’agite comme une folle pour rendre toute sa mobilité à sa progéniture. Elle vole de ci et de là pour aller cueillir une herbe qu’on ne connaît pas, même les Chinois, et pour l’administrer déjà en partie digérée à ses petits. En quelques temps, les jeunes oiseaux guérissent, les os se ressoudent et la gaîté revient dans la famille précédemment ravagée. Alors, le guérisseur revient et recasse les ailes des oisillons. La mère repart en quête des plantes merveilleuses. Les petits se rétablissent et le cycle recommence encore une fois ou deux.
Quand les booboots sont devenus grands et ont relevé des avanies chinoises qu’ils ont subies, mais juste avant qu’ils aient pu quitter le nid, le guérisseur revient et collecte les jeunes oiseaux. Il les tue, les plume et les fait macérer dans de l’alcool.
Il paraît que c’est un excellent remède contre les rhumatismes. »
J’ai voulu vérifier. George m’a dit qu’on pouvait trouver ce produit dans certaines pharmacies chinoises à Singapour. A mon retour, je suis passé dans une de ces officines muni de la dénomination du remède qu’il m’avait écrite en Mandarin sur un Post-it. Le vendeur m’a regardé comme s’il avait vu entrer un lézard dans sa boutique : un mélange de dégoût et d’intérêt pour un être potentiellement exploitable. Il a jeté un œil désabusé sur mon papier et est revenu avec une petite bouteille d’environ 100 ml qu’il voulait me vendre 50 dollars. En y regardant de plus prêt j’ai pu voir qu’il s’agissait probablement d’une sorte de bouillon de poule reconstituant, et bien sûr, je ne l’ai pas acheté.
Le mystère reste entier.